« Déjà, pour moi, tout est lié. Ce n’est pas un travail. Tous les jours, quand je me lève, ce que je fais, je sais que ça a du sens pour moi »

– Anne-Laure

Portrait d’Anne-Laure Nicolas,
formatrice en permaculture

En mars 2020, j’ai été interviewée par le web magazine Éco Breton, Marie-Emmanuelle Grignon a retranscrit le contenu de cet entretien.

Issue du milieu rural, titulaire d’un bac agricole, son premier travail a été dans l’animation, avec le poney comme outil pédagogique, auprès des enfants, des adultes et des personnes en situation de handicap. Bretonne d’adoption, elle est tombée amoureuse de la région et a choisi de déménager ici à 24 ans.

« Dès mon arrivée, je voulais créer un lieu comme le Bois du Barde, je ne me voyais pas faire ça ailleurs », évoque Anne-Laure. « Le projet a pris une tournure précise grâce aux personnes rencontrées, qui m’ont enrichie.

Au fur et à mesure, il est devenu de plus en plus écologique, avec notamment la maison en paille ou encore les bassins en phytoépuration. Les gens que j’ai rencontrés ont enrichi ce projet à leur manière.
Et je pense que je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui, et le Bois du Barde ne serait pas ce qu’il est, sans ces personnes, qui parfois n’ont fait que passer ».


Mais tout n’a pas été un long fleuve tranquille. Au tout début de son aventure bretonne, lorsqu’elle a voulu s’installer, on la dissuade. « On m’a dit : tu as 24 ans, va te marier, fais tes gosses et on reparlera plus tard ».
De même, en 2001, les projets de diversification agricole « étaient impossibles » se souvient-elle. « Ça n’a pas été facile pour moi d’accepter ça, parce que je suis arrivée pleine d’idéaux, avec toute mon énergie ».

Le projet du Bois du Barde a pris une tournure précise grâce aux personnes rencontrées, qui m’ont enrichie.

Changement de décor alors pour Anne-Laure qui quitte le Trégor pour Rennes. Elle y rencontre le milieu bretonnant : musiciens, organisateurs de Fest Noz, démarrage du festival Yaouank… En parallèle, elle est formatrice Bafa-Bafd en volontaire. Elle se lance dans un Brevet d’État d’Animateur Professionnel (Bpjeps aujourd’hui), pour se professionnaliser.

L’hiver en Centre-Bretagne : un test réussi

Au même moment, Anne-Laure rencontre Gilles le père de ses enfants, qui lui lance :

Viens passer un hiver en Kreiz Breizh et après on verra.

« J’ai beaucoup aimé, le Centre-Bretagne m’a reconnectée à la nature »

Elle devient alors directrice d’un centre de loisirs dans le Morbihan, du côté du Pays du Roi Morvan. Elle commence à construire son projet de famille, et emménage dans une longère sur la ferme de ses beaux-parents. Un enfant, puis deux, puis trois naissent.

Le projet de création du Bois du Barde est alors relancé, Anne-Laure ayant toujours « l’idée en tête ». Gilles poursuit son activité de technicien du spectacle, sur des festoù-noz ou des grands festivals.
Il se lance aussi dans une formation pour être meneur de tourisme équestre, voulant changer d’activité par la suite.

Mais tout ne se passe malheureusement pas comme prévu. « Il y a des choses qui arrivent, ce n’est pas pour rien, même si c’est dur à vivre », lâche Anne-Laure.

Gilles fait une rupture d’anévrisme, alors qu’il allait s’installer et acheter les vergers. « J’étais enceinte de notre dernière », explique Anne-Laure.

« Sur le coup, c’est dur à vivre. Là ça fait 10 ans, on est ressortis grandis. Il a un handicap cognitif à 80 %. Mais grâce à lui, je grandis aussi. L’accompagner dans son handicap, ce n’est pas facile, au quotidien, ce sont des épreuves, des remises en question.

Malgré tout le Bois du Barde c’est aussi lui, car il l’a façonné avec moi. Il a sa place ici, c’est important ».

Dans l’adversité, Anne-Laure peut s’appuyer sur des personnes ressources qui l’entourent, qui font partie du projet. Elle a «aussi appris à demander de l’aide, ce qui n’est pas facile».

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« Les femmes ont une place à prendre, les hommes doivent leur laisser la place et être attentifs à elles »

« Aujourd’hui, le constat que j’ai fait avec d’autres femmes, c’est que les « têtes de gondole » sont des mecs. Même dans le milieu alternatif, on doit travailler sur notre égo, sur notre légitimité et notre envie de dire les choses. Peut-être que les mecs devraient laisser la place aux femmes aussi », exhorte Anne-Laure, qui pense aussi que « Les femmes ont une place à prendre, les hommes doivent leur laisser la place et être attentifs à elles ».
Si elle ne remet pas en question l’engagement d’hommes tels que Cyril Dion ou Maxime De Rostolan, Nicolas Voisin, ainsi que leur mouvement, elle s’interroge « Où sont les nanas ? ». « Je pense qu’on a un gros problème de sentiment d’illégitimité ».

Face à une planète en danger, Anne-Laure constate cependant que les femmes n’ont plus « peur d’y aller ».

«En tant que femme, on a la capacité de donner la vie, qu’on décide de le faire ou pas. Et là, l’humanité est en péril. C’est pas la planète qu’on doit sauver là, c’est nous. C’est pour ça que les femmes sortent de l’ombre. C’est long, ça prend du temps, on a besoin de travailler sur nous.
Mais on y va parce qu’on doit le faire», déclare-t-elle.

Comment fait-elle pour arriver à tout concilier ?

« Déjà, pour moi, tout est lié. Ce n’est pas un travail. Tous les jours, quand je me lève, ce que je fais, je sais que ça a du sens pour moi », analyse Anne-Laure.

Mais attention à la contrepartie. « J’ai fait une grosse fatigue cérébrale », confie-t-elle. Entre la gestion du quotidien avec des enfants « zèbres » et le handicap de Gilles qui au début ne pouvait pas conduire, la charge mentale a été lourde.

« Ça a été très dur à vivre, mais aujourd’hui avec le recul, je me dis que si je n’avais pas eu ça, je ne serais pas qui je suis aujourd’hui. Les épreuves, elles te façonnent ».
J’ai également fait un travail sur moi-même, voici les outils que j’ai utilisés.

Des épreuves qui ont influé sur le Bois du Barde

Des épreuves qui ont influé sur le Bois du Barde, mais en bien. « Ça a permis de poser le cadre qui est celui d’aujourd’hui, que ce soit au niveau de la coopération économique ou de l’habitat participatif.

La gouvernance partagée et la sociocratie

On utilise la sociocratie notamment ». Un mode de gouvernance partagée, une sorte de démocratie qui ne fonctionne pas en système pyramidal avec un chef unique, mais avec une place pour chacun.

« On fonctionne en cercle », déclare Anne-Laure. «Il y a un cercle stratégique qui va réunir un représentant de chaque cercle opérationnel. Il y a aussi des « référents intellectuels », des « sages », qui sont au-dessus de moi et qui apportent leur regard, par exemple si quelqu’un veut entrer dans la coopération économique ou l’habitat participatif ».

La sociocratie, ce sont aussi des protocoles de réunion spécifiques : pas de table, en cercle, avec un facilitateur/animateur, où chacun peut faire des propositions (information, réaction, avec besoin de prise de décision derrière). « L’avantage, ce sont que les introvertis peuvent aussi avoir toute leur place ».

Autre principe de la sociocratie : les élections sans candidats. « On fait un profil de poste comme si on cherchait un employé, avec des compétences et des qualités. Ensuite, on cherche dans le groupe qui est capable de faire ça ».

L’écologie comme préoccupation permanente

Un fonctionnement qui sied bien au Bois du Barde, qui est un lieu dédié à la transition écologique.
Pour la fondatrice, la transition écologique est « un mot récent, qu’on emploie davantage depuis la démission de Nicolas Hulot sur France Inter. Je pense qu’il y a eu un déclic à ce moment-là de la part du grand public, qui a commencé à se poser des questions ».
Pour elle, la permaculture est une belle grille de lecture pour la transition. « Rob Hopkins en parle très bien, Damien Carême à Grande-Synthe aussi ».

Revenir au local , développer l’habitat écologique, les énergies vertes, l’autonomie… sont autant de thématiques qui intéressent Anne-Laure.
Elle donne d’ailleurs des « causeries » et conférences sur la permaculture, ou encore sur la place du féminin dans la transition.

Le défi du 21ème siècle ?

Pour Anne-Laure, l’important est de trouver l’équilibre masculin-féminin qui est en chacun, afin de « mieux aller vers l’autre ». « Pour moi, aujourd’hui, la transition passe par là. »
Le défi du 21ème siècle selon elle ? « L’humain face à lui-même ».

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